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jeudi, mars 28, 2024

Liban : une nouvelle épreuve

À la suite d’une double explosion qui a ravagé une grande partie de la capitale libanaise, les Nations Unies et la communauté internationale ont immédiatement confirmé leur soutien au pays. La destruction d’innombrables infrastructures, dans un contexte général déjà désastreux, risque de ne pas faciliter l’acheminement de l’aide. L’ONU a lancé un appel pour obtenir 565 millions de dollars afin de faire face aux besoins immédiats de Beyrouth.

L’énorme déflagration au port de Beyrouth est due à une grande quantité de nitrate d’ammonium (2.700 tonnes) entreposée depuis 6 ans dans de mauvaises conditions. Artère principale d’un pays qui importe 85% de sa nourriture, le lieu a littéralement été rasé. S’apparentant à un séisme de 3,3 sur l’échelle de Richter, l’explosion du 4 août a causé la mort de 178 personnes et en a blessé plus de 6.500. On compte des dizaines de disparus et plus de 300.000 sans-abris.

Quelques heures après l’explosion le Coordinateur résident et humanitaire au Liban, Najat Rochdi, débloquait 9 millions de dollars pour répondre aux premiers besoins

Réactivité de l’ONU et de la communauté internationale

Quelques heures après l’explosion le Coordinateur résident et humanitaire au Liban, Najat Rochdi, débloquait 9 millions de dollars pour répondre aux premiers besoins. Le 5 août, 20 tonnes d’équipement envoyées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) arrivaient sur place. La Conférence internationale de soutien à Beyrouth et au peuple libanais, organisée le 9 août par l’ONU en partenariat avec la France, a permis de récolter environ 298 millions de dollars. Pour l’instant, la plupart des matériaux humanitaires seront redirigés vers le port de Tripoli situé au nord de la capitale. Les silos à céréales du pays ont été en grande partie détruits. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) va envoyer 50.000 tonnes de farine de blé car « selon diverses estimations, les réserves actuelles dans le pays ne peuvent couvrir les besoins du marché que pendant six semaines, alors qu’un approvisionnement de trois mois est la norme pour assurer la sécurité alimentaire », a expliqué Elisabeth Byrs, porte-parole de l’organisation à Genève. Selon le président du CICR, Robert Mardini, la situation « touche aussi les opérations en Syrie puisque le Liban est une plateforme logistique pour celles-ci ». Le pays, qui compte environ six millions d’habitants, accueille près de 900.000 Syriens et plus de 200.000 réfugiés palestiniens, ainsi que 18.000 autres déplacés originaires d’Irak et du Soudan. Le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) a mis à disposition ses stocks locaux comprenant abris, bâches, tentes, couvertures, matelas. Le 14 août, les Nations Unies ont lancé un appel pour obtenir 565 millions de dollars afin de répondre aux besoins urgents dans les domaines de santé, d’alimentation, de logement et d’éducation. 

Les installations hospitalières sont surchargées et manquent cruellement de matériel et de médicaments

Un système de santé au bord du gouffre

Une semaine après le drame l’OMS a confirmé l’endommagement de cinq hôpitaux et de plus de 20 cliniques. La Présidente de l’Ordre des infirmiers du Liban, le Docteur Myrna Abi Abdallah-Doumit, a déclaré que les installations hospitalières sont surchargées et manquent cruellement de matériel et de médicaments. Mais depuis l’explosion, on a pu compter sur le dévouement des infirmiers malgré le fait que la majorité d’entre eux soit peu ou pas payée. Un préavis de grève nationale avait été déposé pour le 5 août afin de dénoncer la dégradation des conditions de travail de la profession. Récemment 30 à 40% des 9.000 infirmiers du Liban ont été licenciés en raison de la crise économique. Le Dr Doumit avait alors demandé aux responsables « de déclarer un état d’urgence sanitaire national ». 

Selon l’UNESCO, environ 640 édifices patrimoniaux, dont certains classés, sont touchés et 60 risquent de s’effondrer.

Patrimoine architectural

Célèbre pour ses joyaux architecturaux presque tous présents dans des quartiers historiques situés autour du port (Gemayzé, Mar Mikhael), Beyrouth constate les dégâts de bâtiments datant de l’époque ottomane ou du mandat français (1920-1943). Selon l’UNESCO, environ 640 édifices patrimoniaux, dont certains classés, sont touchés et 60 risquent de s’effondrer. Le président de la Fédération libanaise des ingénieurs et architectes, Jad Tabet, déclare que 30 à 40 édifices seraient totalement détruits. Les habitants souhaitent absolument que ces biens soient restaurés afin d’éviter qu’ils ne soient remplacés par des immeubles modernes sans âme. Une réunion a été organisée par l’UNESCO, le 10 août, avec la Direction générale des antiquités du ministère de la Culture du Liban, et ses partenaires pour évaluer conjointement la situation et déterminer comment la communauté internationale peut soutenir le pays dans ses efforts pour sauvegarder le précieux patrimoine culturel de sa capitale.

Colère du peuple

Le pays qui était déjà dans un profond état de délabrement économique, social et politique doit maintenant gérer cette nouvelle crise ainsi que l’augmentation de cas de COVID-19. Des manifestations contestent régulièrement un système, mis en place à l’issu de la guerre civile (1975-1990), dans lequel les postes importants sont répartis entre différentes communautés religieuses. Mais en pratique on constate la confiscation du pouvoir et des ressources du Liban par une petite oligarchie fonctionnant de façon clanique et clientéliste. La démission du gouvernement, le 10 août, est une petite satisfaction pour les manifestants. Le 13 août le parlement a entériné l’état d’urgence, décrété au lendemain du drame, pour une durée de deux semaines ce qui inquiète les observateurs des droits de l’homme. Le peuple souhaite l’arrivée de dirigeants réellement indépendants, capables de mettre en place les réformes réclamées depuis de nombreuses années par la communauté internationale.