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samedi, avril 20, 2024

Amadéo Perez, le visage de l’Etat-hôte

Portrait de l’ambassadeur Amadeo Pérez, chef de la division Etat-hôte de la mission suisse auprès des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève L’élégance de l’hidalgo espagnol, l’efficience et la modestie du diplomate suisse, Amadeo Pérez est quelqu’un que tous les ambassadeurs accrédités à Genève connaissent. Non pas parce qu’il aime se mettre en avant (impossible, par exemple, de le convaincre de parler à un journaliste), mais parce qu’il incarne comme nul autre la politique d’accueil suisse. Ce sexagénaire d’origine galicienne qui a grandi à Fribourg est arrivé à la mission suisse auprès des Nations Unies et des autres organisations internationales en 1988, après des études en droit et une expérience professionnelle à l’Office fédéral de justice à Berne. AP : «Quand notre représentation à Genève a été ouverte, il y a 50 ans, trois personnes y travaillaient. Quand je suis arrivé, il y en avait à peine une vingtaine», se souvient-il, en soulignant comme les choses ont évolué avec l’importance croissante de la Genève internationale et l’adhésion de la Suisse aux Nations Unies. Aujourd’hui, la mission compte 61 collaborateurs, 28 desquels travaillent dans la division Etat-hôte. Ils gèrent le statut de 40 organisations internationales, de quelque 250 missions et délégations permanentes et d’environ 43’000 personnes. Ils s’occupent, entre autres, de délivrer les cartes de légitimation (permis de résidence des internationaux), des aspects liés à la sécurité de la Genève internationale, du maintien de l’attractivité et de la compétitivité de la Genève internationale, notamment en soutenant les organisations dans leurs projets immobiliers. La collaboration avec les autorités locales, aujourd’hui largement acquise, était autrefois toute à construire. AP : «Il m’arrivait, par exemple, d’appeler un fonctionnaire cantonal qui voulait taxer un diplomate, pour expliquer les règles de la convention de Vienne. Je me présentais comme employé de la mission suisse et on me demandait alors: mission de quelle religion?» Amadeo Pérez est la mémoire historique de la mission suisse. Il a contribué à réaliser les succès, comme l’établissement à Genève de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ou la création, en 1996, du centre d’accueil de la Genève internationale, le CAGI, en partenariat avec le secteur privé. Il a vécu également vécu des moments difficiles, comme lors de la décision du Fond Vert pour le climat de s’établir en Corée. De cet échec naîtra la stratégie du Conseil fédéral pour le renforcement du rôle de la Suisse comme Etat-hôte.

AP : «Nous nous sommes donné les moyens d’affronter la concurrence des autres villes qui ont l’ambition d’accueillir de nouvelles entités. Le budget annuel des Organisations internationales sises à Genève est de l’ordre de 8 milliards de francs. On peut comprendre que ces chiffres suscitent des convoitises. Sans compter que, en tant que Pays-hôte, la Suisse jouit d’une position privilégiée dans l’enceinte multilatérale, ce qui nous permet de mieux faire passer nos messages.»

On ne s’improvise pas capitale diplomatique. Au plan fédéral, les bases légales ont été modifiées pour renforcer la position de la Suisse en tant qu’Etat-hôte. Au plan cantonal, les bonnes décisions ont été prises afin de maintenir la qualité du patrimoine immobilier et conserver à Genève son caractère attractif. Amadeo Pérez a beaucoup oeuvré pour rapprocher les milieux institutionnels cantonaux et locaux à la culture cosmopolite des Organisations internationales. AP : «Plus que jamais, il faut garder en tête que la Genève internationale est l’affaire de tous, que chaque partenaire a un rôle à jouer pour défendre cette richesse collective qui va bien au-delà des frontières du canton. Kofi Annan l’a toujours dit : la Suisse, grâce à son rôle d’Etat-hôte, boxe dans une catégorie supérieure à celle que lui destinait la taille de son territoire.» Intimement convaincu que la qualité de l’accueil joue un rôle fondamental dans la force de la Genève internationale, l’ambassadeur Pérez s’est engagé, avec les collègues de la Direction du droit internationale public et de la Division Nations Unies et organisations internationales du Département fédéral des Affaires étrangères, à forger la pratique des privilèges et immunités pour en faire un ensemble de règles modernes et très appréciées par la communauté diplomatique. Depuis 1995, par exemple, les conjoints ont accès au marché du travail. La loi sur l’Etathôte, en vigueur depuis 2008, découle d’une vision juridique moderne, adaptée à l’évolution des temps. AP : «Nous disposons d’un savoir-faire qui nous distingue et qui nous permet de faire face à certains éléments qui nous sont défavorables et que nous ne pouvons pas influencer. C’est vrai, à Genève la vie est chère et le franc suisse est fort. Mais, si on pose la question aux internationaux, on découvre qu’un nombre non négligeable entre eux n’a aucune envie de quitter la ville » «Éliminer les irritants» est la devise de l’ambassadeur Pérez, qui oeuvre, avec son équipe, pour résoudre les situations qui empoisonnent la vie des gens, pour trouver les bons interlocuteurs et dissiper les malentendus. Appelé parfois à s’occuper aussi de choses plutôt improbables, comme ce fût le cas, par exemple, pour un litige entre un diplomate et un commerçant local au sujet d’un… tapis. Il considère que la recherche d’une issue amiable contribue à la coexistence harmonieuse entre la communauté diplomatique et la population locale. Ceux qui le connaissent bien soulignent que sa force réside dans sa capacité de s’imposer en douceur, sans jamais donner à l’autre l’impression de perdre de la considération. Une chose est sûre, lorsque l’ambassadeur Pérez partira à la retraite l’année prochaine, une page de l’histoire de la mission suisse, sera tournée.